« J21 aura droit à une deuxième lecture à l’Assemblée Nationale », Journal Spécial des Société N°53, du 6 juillet 2016
Le projet de loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle, voulu par les socialistes, n’a pas eu les faveurs de la commission mixte paritaire. Retour donc par la case départ pour la Chancellerie qui espérait l’adoption rapide d’un texte, pourtant controversé. À droite, comme à gauche, jusque chez les avocats, J21 divise.
Un texte ambitieux, Mais…
Échec de la commission paritaire. Le 22 juin, le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, essuyait un premier revers – prévisible – dans sa tentative de faire reconnaître le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. L’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, le 17 mai, par 301 voix contre 198, n’a pas suffi à lever les doutes sur l’intelligence de certains amendements. L’ambition du texte est pourtant honorable : réformer une machine judicaire jugée trop lourde « pour que le citoyen soit au cœur du service public de la justice […] et, lui permettre d’être plus en capacité d’agir pour défendre ses droits et résoudre ses litiges ».
Une ambition qui se décline en 7 titres : le titre I er (articles 1 et 2) vise à rapprocher la justice du citoyen ; le titre II (articles 3 à 7) a pour objet de favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment en posant le principe de la tentative de règlement amiable du litige par un conciliateur de justice, avant la saisine du juge pour les petits litiges du quotidien (article 3) ; le titre III (articles 8 à 15) contient les dispositions tendant à améliorer l’organisation et du fonctionnement du service public de la justice ; le titre IV (articles 16 à 18) a pour objet de recentrer les juridictions sur leurs missions essentielles ; le titre V (articles 19 à 45) a pour objet de créer un cadre légal commun aux actions de groupe. Ce titre se divise en 3 chapitres ; le titre VI (articles 47 à 50) propose de rénover et d’adapter la justice commerciale aux enjeux de la vie économique et de l’emploi. Il contient 3 chapitres ; le titre VII (articles 54 à 54) regroupe les dispositions relatives à la publicité foncière (chapitre 1er, article 51), aux habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnance (chapitre 2, article 52) à l’Outre-mer (chapitre 3, article 53) et les mesures transitoires (chapitre 4, article 54).
Mais à y regarder de plus près, le projet de loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle comporte des négligences, à commencer par la déjudiciarisation du divorce à l’amiable, contesté depuis plusieurs mois
Des négligences qui Peuvent être conjurées
Certains amendements, notamment ceux relatifs à la justice des mineurs, à la réforme de la magistrature, ou encore au droit de l’entreprise, pour ne citer qu’eux, créent des dissensions.
J21, dans son projet de réorganisation des juridictions prévoit la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM). Un acte courageux estiment certains, mais pas suffisant pour le Syndicat de la magistrature. D’après le ministère, les TCM sont des instances claudicantes, insuffisantes à mener correctement leur mission… Aujourd’hui, indique le ministère, ils traiteraient moins de 1 % des contentieux concernant les adolescents et leurs jugements seraient moins sévères que ceux prononcés par les tribunaux pour enfants. Par cette suppression, le ministère entend que la justice des mineurs soit davantage spécialisée et les réponses pénales données aux jeunes plus individualisées. « il doit y avoir une primauté de l’éducatif quand nous traitons de la délinquance des mineurs », commente le garde des Sceaux
Or, prévient le Syndicat de la magistrature, dans un texte remis au Sénat lors de l’audition du 8 juin 2016, « contrairement à l’effet en apparence attendu – affiché ? – d’ajouter de l’éducatif et de simplifier l’action des tribunaux pour enfants, le choix d’une peine sera d’autant plus banalisé – et de fait peu à peu généralisé contre l’esprit de l’ordonnance de 1945 ». Et pour cause, « la dimension éducative pouvant être ajoutée comme un vernis par le prononcé simultané d’une mesure éducative, ce dispositif aura pour effet mécanique de conduire à prononcer davantage de peines au détriment des mesures éducatives ». Le syndicat poursuit sa démonstration, en rappelant que si l’éducatif doit être remis au centre, comme le veut le ministère de la Justice, il est aussi impératif de « procéder à une revalorisation des mesures éducatives, qui ne dépend d’ailleurs pas tant de la loi que des moyens affectés à la protection judiciaire de la jeunesse pour la mise en œuvre de ses missions et priorités ». Le syndicat s’oppose et appel à ne pas modifier l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, et renoncer en conséquence à la suppression du 1er alinéa de l’article 19.
Sur le volet de la réforme de la magistrature, là aussi l’opposition a ses arguments. Jean-Jacques Urvoas prévoit que des docteurs en droit, recrutés au titre de juristes assistants pourront être intégrés au corps de la magistrature. Un nouveau statut sera ainsi créé, permettant d’intégrer l’École Nationale de la Magistrature. Le texte envisage aussi la facilitation des changements judiciaires. À titre d’exemple, les fonctionnaires ne totalisant pas 7 années d’activité dans leur corps d’origine pourront réaliser une mobilité dans la magistrature sur des fonctions du premier grade. Autre ambition, les juges de proximité, seront intégrés dans le statut des magistrats à titre temporaire. Ils pourront désormais exercer deux mandats de 5 ans chacun, contre un mandat de 7 années aujourd’hui. Enfin, les conditions d’activité professionnelle requises pour être recruté en qualité de magistrat au titre du concours supplémentaire seront assouplies. Elles passeront de 7 années, contre 10 aujourd’hui.
En deuxième séance, Monsieur Marc Dolez, député GDR, lors de son intervention du 17 mai, a certes salué les mesures voulues pour la magistrature, comme « le renforcement de l’obligation de transparence pour toutes les nominations de magistrats, le principe pour ces derniers d’une déclaration d’intérêt, l’ouverture du corps de la magistrature par la facilitation des détachements judiciaires et par l’élargissement des origines professionnelles permettant d’y accéder, etc. » Mais, il n’a pas manqué de dire celles qu’il trouvait contestables. Il a dénoncé des mesures destinées non à encourager le recrutement, mais le recours à des moyens J21 aura droit à une deuxième lecture de l’Assemblée nationale Le projet de loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle, voulu par les socialistes, n’a pas eu les faveurs de la commission mixte paritaire. Retour donc par la case départ pour la Chancellerie qui espérait l’adoption rapide d’un texte, pourtant controversé. À droite, comme à gauche, jusque chez les avocats, J21 divise. D.R. rabah Hached Journal Spécial des Sociétés – Mercredi 6 juillet 2016 – numéro 53 7 Dossier détournés, comme l’appel à des magistrats temporaires, rémunérés à la vacation.
L’amendement portant sur le travail a lui aussi provoqué une réaction de la CCI Paris Île-deFrance dès novembre 2015, notamment sur la volonté de simplifier la justice au quotidien : la réforme prévoit que pour garantir plus d’efficacité dans la justice du quotidien, un socle d’action de groupe est mis en place afin de permettre au législateur de décliner ensuite l’action dans tous les domaines. Or, la CCI Île-de-France rappelle ses réserves quant au principe même de l’action de groupe. D’après elle, « quels que soient les garde-fous, cette procédure est porteuse de dérives tant économiques que sociétales ». La solution ? La priorité doit être donnée aux modes alternatifs de règlement des différents. « En particulier, la médiation est aujourd’hui clairement reconnue pour son efficacité et sa rapidité, pour résoudre des différends commerciaux individuels, mais également des litiges collectifs de la consommation ». La CCI Île-de-France, crie au mélange des genres. À l’en croire, l’action de groupe ne doit pas être banalisée et doit demeurer une procédure subsidiaire par rapport au droit commun. Le principe même d’un socle commun serait contestable…
Difficile aujourd’hui de comprendre l’obstination du ministère Urvoas à vouloir porter une réforme qui non seulement divise, mais pis elle pourrait être améliorée par les professionnels concernés, tant sur le fond que sur la forme. Si le texte est aujourd’hui loin de faire l’unanimité, rappelons qu’il ne comporte pas que des points négatifs. Il conviendrait cependant qu’il soit retravaillé. Pour l’heure, le mieux est d’attendre la décision qui sera rendue par l’Assemblée nationale en seconde lecture.
Rabah Hached,
avocat au barreau de Paris,
Cabinet Hached 2016-1910